Histoires
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Le chalet de repos des Augustines au 461, chemin du Roy (Saint‑Augustin-de-Desmaures)
Historique de la propriété
Le site du 461, chemin du Roy à Saint-Augustin-de-Desmaures faisait partie autrefois d’une ancienne terre agricole de la famille Couture, l’une des familles fondatrices de la paroisse au XVIIe siècle 1 . Vers 1900, cette famille érige une croix de chemin en bois sur la propriété, témoignage de leur foi 2 . Au milieu du XXe siècle, la congrégation des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec s’intéresse à ce lieu champêtre. La famille Couture finit par céder sa terre aux religieuses vers 1964 , permettant à celles-ci d’en prendre possession . Peu de temps après, l’Université Laval – qui cherchait alors un domaine agricole pour l’enseignement agronomique – en a fait l’acquisition (dès 1963 selon les archives universitaires) afin d’y établir une station expérimentale . En somme, le terrain a transité des Couture aux Augustines, puis de ces dernières à l’Université Laval, dans le courant des années 1963-1964 .
Il est à noter que la présence des Augustines dans la région de Saint-Augustin-de-Desmaures ne date pas de ce transfert du XXe siècle. Déjà au XVIIIe siècle, les Augustines de l’Hôtel-Dieu avaient acquis la seigneurie de Demaure (Saint-Augustin) en 1734 et y ont construit en 1737 un imposant moulin à farine à deux meules près du lac Saint-Augustin . Ce patrimoine foncier historique explique en partie l’intérêt des Augustines pour ce secteur rural.
Un ermitage de repos pour les Augustines
Des religieuses augustines en séjour de repos à l’ermitage de Saint-Augustin, en août 1957. On distingue une sœur convalescente portant un masque, signe que le chalet servait aussi de lieu de soins et de repos pour les religieuses malades .
À partir des années 1950, le chalet du 461, chemin du Roy devient un lieu de villégiature pour les Augustines. Celles-ci l’avaient baptisé « Ermitage Sainte-Anne » , témoignant de la vocation spirituelle et retirée du lieu . Les religieuses de la communauté y séjournaient pour se reposer de leurs lourdes tâches à l’Hôtel-Dieu de Québec, profiter du grand air et retrouver des forces. Des photographies d’archives montrent des Augustines souriantes, en habit blanc et voile noir, installées sur la galerie du chalet pendant l’été, profitant de moments de détente à la campagne. Le site comprenait également des installations agricoles basiques (jardin, verger ou potager), d’où le terme d’ ermitage relié à une petite ferme dans les documents d’archives.
Au fil du temps, l’ermitage a été aménagé pour mieux accueillir les sœurs en retraite. Dans les années 1970, on mentionne par exemple un « ermitage Notre-Dame » comprenant un dortoir supplémentaire sur le site de Saint-Augustin, ce qui a permis d’héberger davantage de religieuses lors des séjours de repos. Ainsi, le chalet de Saint-Augustin a servi pendant plusieurs décennies de maison de repos, de retraite spirituelle et de convalescence pour les Augustines de Québec. Ce havre paisible offrait un contraste bienvenu avec l’atmosphère urbaine et les exigences du monastère-hôpital, permettant aux sœurs de se ressourcer physiquement et spirituellement.
Anecdotes et faits marquants
Plusieurs éléments patrimoniaux et anecdotes sont associés à ce chalet de repos des Augustines. D’abord, la croix de bois érigée au début du XX<sup>e</sup> siècle sur la propriété a été conservée et entretenue par les religieuses. Appelée « croix commémorative de l’Ermitage » , elle a été repeinte en blanc et, selon la tradition, dédiée à la mémoire de François et J. H. Couture ainsi que de leurs descendants . Il s’agissait vraisemblablement de membres de la famille donatrice, et ce geste commémoratif illustre la gratitude des Augustines envers les anciens propriétaires.
Une autre anecdote intéressante concerne la présence de sœurs malades lors des séjours à l’ermitage. Les archives photographiques de 1957 montrent qu’une religieuse affaiblie, portant un masque médical, avait pu séjourner au chalet en plein air. À une époque où la tuberculose et d’autres maladies pulmonaires nécessitaient du repos dans un environnement sain, cela suggère que l’ermitage a servi de lieu de convalescence en plus d’être un endroit de vacances. Le fait que les sœurs aient emmené avec elles des religieuses malades pour qu’elles bénéficient de l’air pur de Saint-Augustin témoigne de l’importance thérapeutique qu’elles attribuaient à ce lieu.
Par ailleurs, le choix du nom « Ermitage Sainte-Anne » n’est pas anodin. Sainte Anne est traditionnellement la patronne des grands-mères et un symbole de guérison dans la foi catholique; il était courant de voir son nom associé à des lieux de retraite ou de santé. Plus tard, le nom « Ermitage Notre-Dame » fut également utilisé, renforçant l’aspect spirituel marial du site. Ces appellations montrent que les Augustines considéraient le chalet comme un sanctuaire de spiritualité et de calme, un prolongement champêtre de leur monastère.
Enfin, on peut souligner que ce chalet de Saint-Augustin était suffisamment significatif pour que la Société d’histoire de Saint-Augustin-de-Desmaures en conserve des traces. Des photos anciennes du site et de ses occupantes ont été préservées, et la croix de l’Ermitage figure dans l’inventaire du patrimoine religieux populaire de la ville. Cela démontre l’attachement de la communauté locale à ce témoin discret de la présence des Augustines dans la région.
La croix de l’Ermitage, toujours visible à l’entrée de la propriété (ici en 2016), et le panneau indiquant le terrain désormais géré par l’Université Laval. Ce symbole, d’abord planté vers 1900 puis dédié par les Augustines à la famille Couture, est entretenu par l’Université depuis la fin des années 1990
En 1963, dans le contexte de la Révolution tranquille et de la modernisation de l’enseignement supérieur agricole, les Augustines ont fait don de leur ermitage de Saint-Augustin à l’Université Laval. L’institution avait alors besoin de terres pour fonder sa nouvelle station agronomique expérimentale , la Faculté d’agriculture venant d’être relocalisée à Québec . Cette année 1963 marque officiellement l’acquisition de la ferme de Saint-Augustin par l’Université . Néanmoins, il semble que la transition se soit faite en douceur: les Augustines ont probablement continué à utiliser le chalet pendant quelques années, le temps que l’Université développe ses propres activités sur le domaine.
Dès les années 1970, le site est pleinement intégré aux installations de recherche de l’Université Laval. Aujourd’hui, l’ancienne propriété des Augustines est connue sous le nom de Station agronomique de Saint-Augustin-de-Desmaures. Il s’agit d’une vaste ferme expérimentale de 280 hectares servant de « véritable laboratoire extérieur de recherche en agronomie », notamment pour les sciences du sol, les grandes cultures et l’agroenvironnement. On y trouve des bâtiments modernes (laboratoires, serres, ateliers) construits en 2016-2017 dans le cadre d’un partenariat avec Agriculture et Agroalimentaire Canada. La station accueille des chercheurs, des professeurs et des étudiants gradués qui y mènent des expérimentations sur les cultures céréalières, les plantes fourragères, la protection des végétaux, etc.
Malgré ces changements, l’héritage des Augustines n’a pas totalement disparu du paysage. La croix blanche de l’Ermitage, par exemple, trône toujours près de l’entrée du chemin menant aux bâtiments de la ferme. L’Université Laval, désormais propriétaire des lieux, a pris en charge son entretien depuis 1999, perpétuant ainsi le souvenir des donatrices et de la vocation initiale du site . Ce maintien d’un élément patrimonial religieux au sein d’une infrastructure scientifique est un beau clin d’œil à l’histoire: il relie le présent, tourné vers la recherche et l’éducation, au passé spirituel et communautaire de cette propriété unique en son genre.
Sources: Archives du Monastère des Augustines (photographies et fonds documentaires), documents de la Ville de Saint-Augustin-de-Desmaures, publications de l’Université Laval (Faculté des sciences de l’agriculture), ainsi que le Journal de Québec pour le contexte historique régional. Les informations ont été croisées afin de retracer fidèlement l’histoire et les anecdotes entourant le chalet de repos du 461, chemin du Roy.
1-Saint-Augustin-de-Desmaures - Wikipedia
https://en.wikipedia.org/wiki/Saint-Augustin-de-Desmaures
2, 4, 10-vsad.ca
https://vsad.ca/uploads/attachments/rap-lieuxculte-20181206.pdf
3, 11, 12-Historique | Faculté des sciences de l'agriculture et de l'alimentation
https://www.fsaa.ulaval.ca/faculte/qui-sommes-nous/historique
5-[PHOTOS] Le lac Saint-Augustin à travers l’histoire | JDQ
https://www.journaldequebec.com/2020/03/01/photos-le-lac-saint-augustin-a-travers-lhistoire
6, 7, 8-Ermitage Sainte-Anne à Saint-Augustin - Le monastère des Augustines - Les archives
https://archives.monastere.ca/archive/ermitage-sainte-anne-a-saint-augustin-2111
9-Ermitage Notre-Dame - vue de Saint-Augustin - Le monastère des Augustines - Les archives
https://archives.monastere.ca/archive/ermitage-notre-dame-vue-de-saint-augustin-2219
13, 14, 15, 16-Station agronomique de Saint-Augustin | Faculté des sciences de l'agriculture et de
l'alimentation
Photos d’archive, Fonds Monastère des Augustines de l'Hôpital Général de Québec
Photographie d'un groupe de religieuses (professes temporaires) chantant et jouant de la musique à la maison d’ermitage. L'une d'entre elles joue de la guitare et une autre de la flûte tandis que les autres semblent chanter
Entre les mois d'août 1955 et 1961, les Augustines de l’Hôtel-Dieu achètent neuf fermes regroupées dans la partie ouest de la municipalité de Saint-Augustin couvrant plus de 300 hectares. Sous l'autorité d'un régisseur, une douzaine d'employés, en majorité des résidents de Saint- Augustin, sont en charge d'un troupeau de vaches laitières, d'une cinquantaine de moutons et d'une érablière de plus de 1800 entailles. Le lait et le bois de chauffage sont fournis gratuitement à tous les salariés. Grâce aux produits et aux revenus de ces terres, auxquels s'ajoutent ceux d'autres terres qu'elles possèdent à Saint-Lambert de Lévis et dans la région de Québec, les religieuses pourvoient aux besoins de leur hôpital. Elles se réservent toutefois une des maisons de ferme qu'elles transforment en maison de vacances et de repos 3 saisons.
Au fil des années, les Hospitalières de l'Hôpital général aménagent les alentours de la maison de ferme qu'elles occupent depuis 1957. Dénommé Ermitage Notre-Dame, l'endroit est un véritable enclos monastique isolé des regards et des voies de circulation. Dix jours par année, chaque religieuse peut y jouir pleinement du grand air, de la beauté du fleuve à proximité, enfin de la grandeur de Dieu dans la nature. Dès mai 1963, toutes les terres appartenant aux Hospitalières sont revendues à l'Université Laval. Le contrat stipule que les religieuses conservent la servitude de l'Ermitage. Toutefois, au cas où elles voudraient s'en départir, elles devront le céder à l'acquéreur. Ce qu'elles feront en septembre 1999.
Photographie d'un groupe de religieuses (professes temporaires) et de postulantes prise à l'extérieu r à la maison d’ermitage, août 1962
Photographie du bâtiment, février 2025
Photographie de sœur Thérèse Trudelle, supérieure, et de sœur Berth e Bois, maîtresse des novices, assises dans la cour de la maison d’ermitage à Saint-Augustin
Photographie du bâtiment, février 2025
Photographie de Sœur Gisèle Huot prise à l'extérieur à la maison d’ermitage de Saint-Augustin. Elle est assise dans les escaliers de la maison et un petit tamia (suisse) s'est installé sur ses genoux.
Photographie du bâtiment, février 2025